Carte blanche à …. Bruno Garot.


Deuxième carte blanche de l’été avec cette petite chronique de mon ami Bruno intitulée « Un petit vélo dans la crête » qui mêle sa passion pour le rock à celle du vélo…. l’ascension d’un col de montagne Pyrénéen (l’Aubisque) à vélo avec son Ipod à fond les manettes dans les oreilles..

MERCI à lui 🙂

«Girl, you really got me goin’ You got me so I don’t know what I’m doin’ »
l’accent cockney de Ray Davies scandait l’hymne intemporel des Kinks dans les écouteurs du ipod : un chouïa incongru au moment d’aborder Gourette direction le sommet de l’Aubisque.

Lui savait bien que les deux heures d’effort qui l’avait amené ici depuis Arudy n’était qu’une douceur sucrée à coté de l’ascension de ce qui se présentait à lui.

Il adorait les éructations de Ray Davies dans le silence de pause déjeuner de ce dimanche de début d’automne, esplanade du Valentin, vide de voitures.

Un lacet vers la gauche à la sortie du rond-point et il rentrait dans le dur, dans la légende quand même aussi.

Pour l’instant tout allait bien, et seuls les deux kilomètres précédents lui avaient sensiblement durci les quadriceps sous les coutures du cuissard.

Il avait vu deux ans auparavant Rasmussen, Leipheimer, Contador et Evans passer ici comme dans un rêve, des anges maudits de la route, mais son début d’ascension vers la Chapelle Notre-Dame le ramenait vers la triste réalité de sa condition, celle de décompter décamètre par décamètre, trait après trait de la ligne blanche discontinue, gravillon apres gravillon les stations de son chemin de croix.

«Cause music is what I want To keep my body always moving Yeah» le riff de keith et la rythmique funky de bill et charly martelaient leur beat endiablé dans ses oreilles depuis déjà une bonne minute quand il réalisa que la corniche qu’il venait d’aborder serait longue, il la savait faite de succession de replats trop courts et de d’assommants rempaillons. «Hot Stuff» chuintait Mick, «shake it up» rempilait-il.

Pas vraiment en phase avec la situation les Stones, mais changer de piste sur l’ipod, lancer la recherche aléatoire, c’est lâcher une main, fouiller dans la poche arrière gauche du maillot, appuyer sur le bon bouton, c’est déjà au dessus de ses forces

Ca lui ferait du bien de faire du vélo sans les mains, car il ne sait plus ou les mettre ses mains, tant la douleur s’y installe, alors il prend le guidon par les cocottes, le cintre, les décalent de quelques centimètres, et tentent de détendre ses épaules qui se crispent

Il lui faut être patient, juste patient, ne pas en faire trop ni pas assez, toujours sur le fil du rasoir, ne pas se mettre dans le rouge, ne pas laisser l’acide lactique prendre d’assaut les muscles de ses cuisses, ne pas non plus perdre trop de vitesse et jouer l’équilibriste, car il se sait maladroit et mettre une roue dans le fossé qui longe la paroi sur sa droite lui serait fatal.

«I didn’t know what love meant before» vient lui susurrer lucinda williams de sa suave voix, et elle lui sauve la vie.

Il repense aux deux vttistes, un gars une fille doublés aux pare-avalanches, il y a 7 kilomètres, juste après le passage à 13 %, qui moulinaient moulinaient, un petit signe de la main un rien condescendant en passant, un sourire, salut a toi l’iroquois.

Il respire fort, plus fort, plus souvent, plus profond, et son souffle couvre peu a peu la musique, il est Bruce «baby i was born to run»

«And tell her, there’s a darkness on the edge of town. darkness on the edge of town» le grand Bruce me tient par les tripes l’enfoiré, une fois de plus

Tout a gauche, 32X26, il cherche du cote de l’extrême gauche de son pédalier où déplacer la chaine de l’espoir et ne trouve plus rien, un retour au centre n’est plus envisageable, tout au moins pas avant la descente.

Les gouttes de sueur tombent maintenant régulièrement sur son guidon, le cadre blanc de son coursier et le tissu de son cuissard, il en ressent une inexplicable fierté.

Il a soif , lâche une main du guidon, attrape son bidon dans un geste rapide pour ne pas perdre le rythme,, lève le coude, tord le cou et la bouche vers le goulot, appuie fort et contrôle la giclée de flotte pour arriver a boire sans s’étouffer, continuer a respirer, à ahaner, s’en remet une giclée, puis tout en maintenant le tempo, lent, maladroit, il rate une première fois le porte guidon, zigzague, le remet, reprend le guidon a deux mains, et s’aperçoit qu’il n’a même pas profité de la fraicheur du liquide dans sa bouche, dans ses joues, tant il a tout avalé vite.

«Much communication in a motion Without conversation or a notion, Avalon» , Brian Ferry, le grand, le beau, l’élégant Brian Ferry, le Federico Bahamontes du rock pour l’accompagner les derniers hectomètres.

Un petit coup d’œil vers l’arrière, au détour d’une courbe vers la gauche, Gourette se détache nettement en contrebas, je t’ai bien largué hein saloperie, et une courbe a droite, les bâtiments des crêtes blanches, c’est haut, c’est beau, c’est trop, vélo c’est trop, il perd la tête.

Faire le vide, une seule perception, une seule focalisation, appuyer, encore et encore, appuie , appuie appuie, avance toujours avance alors que se dessine enfin nettement au bout de la route un cube blanc surmonté d’une terrasse, l’hôtel des crêtes blanches.

Un virage a droite, rien ne peut l’arrêter, un kilomètre et demi encore, c’est fait il y est, champion à tous les critériums.

Bruno.

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Clara

Une réflexion sur “Carte blanche à …. Bruno Garot.

  1. Sympa comme article ! Ca m’évoque quelques souvenirs, en montagne moi aussi, non pas à vélo mais à pied, accompagné entre autres par du Gotan Project et du Beirut.

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